Page:Perrin - Les Egarements de Julie, 1883.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
26
LES ÉGAREMENTS


je ne manquerais pas d’être suspecte, je le trouvai tout à fait à mon goût. Ce fut avec un plaisir inexprimable que je le vis préoccupé : j’interprétai tout en ma faveur, et j’eus le bonheur de ne me pas tromper. Nos yeux se rencontrèrent ; les miens, qu’on accusa toujours d’indiscrétion, lui en apprirent plus qu’il n’espérait. Mon cœur interrogea le sien, et trop porté par lui-même à l’écouter, il crut entendre l’aveu le plus obligeant. Que de protestations réciproques ! quelle satisfaction ! Nous ne pouvions nous parler, mais nos yeux nous vengeaient bien de notre silence. Sieur Valérie, encouragé par son heureux succès, ne négligea aucune occasion qui put favoriser notre commerce pantomime, dont l’amour se rendait l’interprète. Il fallait être, j’en conviens, d’une étrange sobriété pour s’en tenir là ; mais enfin on nous fera la grâce de croire qu’il ne nous était pas possible alors de faire autrement. Me voir à l’Église, passer sous mes fenêtres, repasser et m’admirer, voilà la frugalité espagnole à laquelle mon amant, quoique très Français, fut obligé de s’assujettir. Tout convaincus que nous étions de notre mutuelle ardeur, nous n’étions pas plus heureux ; l’amour a des droits auxquels nous ne demandions pas mieux que de nous soumettre ; mais quelle apparence de pouvoir se