fallait s’y conformer ; que le vrai but de la sagesse
était de nous éloigner des deux extrémités ;
que les agréments de la jeunesse et de la
beauté, qui n’avaient qu’un temps, ne nous
avaient sans doute été donnés que pour être
employés ; qu’on devait à ce sujet moins consulter
les plaisirs que l’intérêt ; que c’était infailliblement
se perdre que de sacrifier l’essentiel à
la bagatelle ; qu’on avait garde de me conseiller
rien de criminel, mais qu’aussi il n’était pas
d’un caractère droit et reconnaissant de désespérer
un homme sur lequel on se sentait quelque
avantage, et que, de part et d’autre, on s’en
trouvait beaucoup mieux quand on voulait s’entendre.
Cette morale relâchée, débitée avec un
faux dehors de douceur et d’amitié, était beaucoup
plus dangereuse. Je ne refusai point d’accorder
les politesses ordinaires que l’usage du
monde autorise, et ne me défiant point de moi
je me trouvai insensiblement, et par gradation,
où elles me désiraient. Une longue conversation
nous mit tous d’accord, et ma tante me dit spirituellement,
en se retirant, que faute de parler
on mourait sans confession.
L’entretien fini, nous nous mîmes au lit, où il me fut impossible de dormir ; je n’avais jamais été si agitée : livrée à une foule de réflexions, toutes plus cruelles les unes que les autres,