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Page:Pert - L Autel.djvu/88

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chétif, misérable, piteux… La pose renversée de la tête de la jeune femme faisait saillir sa mâchoire coupante ; ses cheveux relevés laissaient voir deux rides subitement tracées dans la peau fatiguée du front. Sa chemise de nuit, aux boutons arrachés, bâillait ; les clavicules amaigries se dessinaient ; un petit sein, à la pointe enfantine flétrie, déjà coloré de bistre par l’aube de la maternité, paraissait en une triste nudité. Ses mains, allongées sur le drap, avaient de grosses veines bleuâtres et semblaient celles d’une vieille femme cardiaque.

Robert se courba, referma gauchement la chemise, remonta la couverture et se détourna, étouffant d’insurmontables sanglots sous ses mains appuyées violemment sur sa bouche. En ce moment, il eût préféré voir Suzanne morte, en son sauvage désespoir de l’effondrement irrémédiable de leur amour.

Le docteur Dolle parut enfin, amené par la bonne effarée, rhabillé à la hâte, les traits fatigués. Il eut un coup d’œil à Suzanne, procéda à un rapide examen qui la tira à peine de sa prostration ; et, rejetant sur elle les couvertures, du geste indifférent et impudique propre au médecin, il bâilla, ennuyé.

— Eh bien ! mais tout est très normal… Oui un peu de fatigue… c’est la réaction… C’était inévitable.

Une sorte de douche étrange s’abattait sur Robert. En lui aussi s’épandait la réaction de sa souffrance morale, de sa terreur, de ses remords ; il en voulait presque à Suzanne de l’effroi démesuré qu’elle lui avait inspiré. Il avait honte vis-à-vis de son ami de sa pusillanimité.

Il s’excusa :

— Je te demande pardon de t’avoir dérangé… Mais la nuit a été si atroce… Je ne savais que faire…

Dolle le prit par le bras, l’emmenant dans la pièce à