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où l’on a transporté, plus ou moins consciemment, les mœurs et les idées du moyen âge, est relativement considérable. Elles sont largement représentées, dans la liste des chansons que font entendre les quinze cents jongleurs des noces de Flamenca avec le seigneur de Bourbon[1] : « L’un conta de Priam, l’autre de Pyrame ; l’un conta de la belle Hélène, que Paris enleva ; d’autres d’Ulysse, d’Hector, d’Achille, d’Énée, qui laissa Didon malheureuse et dolente ; de Lavine, qui, du haut des remparts, fit lancer la lettre et le trait par la sentinelle. L’un conta de Polynice, de Tydée et d’Étéocle, l’autre d’Apollonius [comment il recouvra Tyr et Sidon][2] l’un du roi Alexandre, l’autre d’Héro et de Léandre ; l’un de Cadmus, qui, exilé de sa patrie, fonda Thèbes, l’autre de Jason et du dragon vigilant. L’un retraçait les travaux d’Alcide, l’autre disait comment par amour pour Démophon Phyllis fut changée en arbre[3]. L’un raconta comment le beau Narcisse se noya dans la fontaine où il se mirait, d’autres dirent de Pluton, qui ravit à Orphée sa belle femme… Un autre raconta comment Jules César passa tout seul la mer sans implorer l’aide de Notre Seigneur et sans trembler… L’autre conta de Dédale, qui trouva le moyen de voler dans les airs, et d’Icare, qui se noya par imprudence. »

Parmi ces poèmes, quelques-uns sont perdus, mais les plus importants nous ont été conservés, et nous allons les passer successivement en revue, en les divisant pour plus de clarté en trois groupes : les romans épiques, les romans historiques ou pseudo-historiques, les contes mythologiques et les imitations d’Ovide.


I. — Romans épiques.

Nous appelons ainsi les romans (c’est le titre que porte ce groupe de poèmes dans les manuscrits) qui sont des imitations plus ou moins directes des grandes épopées classiques. Ils sont

  1. Voir P. Meyer, Le Roman de Flamenca, vers 609 et suiv., à qui nous empruntons sa traduction.
  2. Les mots entre crochets manquent dans la traduction. Le texte porte : comsi retenc Tyr de Sidoine, où nous croyons qu’il faut corriger : Tyr e Sidoine.
  3. P. Meyer traduit : « comment Démophon remit en son pouvoir Phyllis par amour », conservant le texte du manuscrit : con tornet en sa forsa Phillis per amor Demophon, que nous croyons devoir corriger en : con tornet en escorsa, etc.