Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 33.djvu/223

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huguenots au comté Venaissin, et entr’autres Mornas, où environ deux cens catholiques qui avoient composé de rendre la ville, s’estoient retirez au chasteau, estimans que la capitulation leur seroit tenue, de sortir la vie et les bagages sauves ; neantmoins, sans avoir esgard à la foy jurée et publique, le baron des Adrets[1] les fit cruellement précipiter du haut du chasteau, disant que c’estoit pour venger la cruauté faite à Orange. Aucuns de ceux qui furent précipitez et jettez par les fenestres, où il y a infinies toises de haut, se voulans prendre aux grilles, ledict baron leur fit couper les doigts avec une très-grande inhumanité.

Il y eut un desdicts précipitez qui, en tombant du haut en bas du chasteau, qui est assis sur un grand recher, se prit à une branche, et ne la voulut jamais abandonner ; quoy voyant, luy furent tirez infinis coups d’arquebuse et de pierres sur la teste, sans qu’il fust possible de le toucher. De quoy ledict baron estant esmerveillé, luy sauva la vie, et reschappa comme par miracle. J’ay esté voir le lieu depuis avec la Reyne, mère du Roy, estant en Dauphiné ; celuy qui fut sauvé vivoit encore là auprès. Le mesme baron des Adrets, quelque temps après, assiégea et prit Montbrison en Forest, et en fit précipiter encore cinquante, disant pour toutes raisons que quelques-uns des siens avoient esté tuez en capitulant pour la reddition de la ville. Et là on remarqua plus de cruauté qu’es lieux precedens[2] ; et, à la vérité, il sembloit que, par un juge-

  1. Le baron des Adrets. De Thou et d’Aubigné disent que cette exécution fut ordonnée par Montbrun. Il paroît que Castelnau a confondu cette action avec celle qu’il raconte immédiatement après, et qui appartient incontestablement à des Adrets.
  2. On remarqua plus de cruauté qu’es lieux précëdens. D’Aubigné