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[1202] de la conqueste

des leurs, et qu’ils eussent à leur faire délivrer l’argent dont on estoit convenu, de leur part estans prests de faire voile.

30. Sur cela la queste s’estant faite au camp pour le nolleage, il s’en trouva plusieurs qui alleguérent l’impuissance de payer, en sorte que les barons se trouvérent réduits à tirer d’eux ce qu’ils peurent. Et quand ils eurent payé ce qu’ils avoient ramassé, ils trouvérent qu’ils estoient bien éloignez de leur conte ; ce qui obligea les barons de s’assembler pour aviser à ce qu’ils auroient à faire en cette conjoncture, aucuns desquels tinrent ce discours : « Seigneurs, les Venitiens nous ont fort bien accomply leurs traitez, mesmes au delà de ce qu’ils estoient tenus ; mais nous ne sommes pas nombre suffisant pour payer le passage, et nous est impossible de l’acquitter, et ce par le deffaut de ceux qui sont allez aux autres ports. C’est pourquoy il est absolument necessaire que châcun contribuë du sien, tant que nous puissions payer tout ce que nous devons. Car il vaut mieux que nous employons tout le nostre icy, et que nous perdions ce que nous y avons mis, que de manquer à nostre parole. D’ailleurs, si cette armée se rompt, nous perdrons l’occasion et les moyens de recouvrer la terre d’outre-mer pour jamais. » Ce rencontre engendra de grandes divisions entre la plus grande partie des barons et des autres pelerins : les uns disoient : « Puisque nous avons payé nostre passage, qu’on nous embarque, et qu’on nous emmeine, et nous nous en irons volontiers, sinon nous nous pourvoirons d’ailleurs. » Ce qu’ils disoient malicieusement afin que le camp se rompit, ce qu’ils desiroient. Les autres