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[1202] de la conqueste

empereur à Constantinople nommé Isaac, qui avoit un frere appellé Alexis, lequel il avoit retiré de prison et de la captivité des Turcs. Cet Alexis se saisit de l’Empereur son frere, lui fit crever les yeux, et aprés cette insigne trahison se fit proclamer empereur. Il le tint ainsi long-temps en prison, et un sien fils qui s’appeloit Alexis. Ce fils trouva moyen d’échapper, et s’enfuit sur un vaisseau jusques à Ancone, ville assise sur la mer, d’où il passa en Allemagne vers Philippes roy d’Allemagne, qui avoit espousé sa sœur : puis vint à Verone en Lombardie, où il sejourna, et trouva nombre de pelerins qui alloient se rendre en l’armée. Sur quoi ceux qui l’avoient aydé à s’évader prirent occasion de lui dire : « Sire, voicy une armée prés de nous à Venise, composée des plus nobles et valeureux chevaliers du monde, qui vont outre-mer ; allez les prier qu’ils aient pitié de la misere de l’Empereur votre pere et de la votre, et de considérer l’injustice qu’on vous a faite de vous avoir ainsi dépoüillé de vos Estats à tort : et leur promettez que s’ils vous veulent aider à vous rétablir de faire tout ce qu’ils desireront de vous : peut estre que votre malheur les touchera, et qu’ils en auront compassion. » A quoi il fit réponse que le conseil lui sembloit bon, et qu’il en useroit.

36. De fait, il envoya ses deputez vers le marquis Boniface de Montferrat, general de l’armée, et les autres barons, qui d’abord furent surpris de cette ambassade, et leur répondirent en ces termes : « Suivant ce que vous nous proposez, nous envoyerons aucuns des nostres avec votre maistre vers le roi Philippes, vers lequel il s’en va : et s’il nous veut