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[1203] de la conqueste

entre autres estoient Eudes le champenois de Champlite, Guillaume son frere, Oger de Saint-Cheron, Manassés de Lisle, et un seigneur, nommé le comte Gras, qui estoit de Lombardie, et de la suitte du marquis de Montferrat, et avoient avec eux environ quatre-vingt chevaliers, tous vaillans hommes : d’abord ils découvrirent de loin au pied d’un costeau plusieurs tentes et pavillons à trois lieuës du camp : c’estoit le grand duc ou chef des armées de mer de l’empereur de Constantinople, qui avoit bien jusques à cinq cens chevaliers grecs. Quand ils les eurent reconnus ils se partagérent en quatre escadrons, avec resolution de les attaquer. Les Grecs d’autre part se rangérent aussi en bataille devant leurs tentes, et les attendirent de pied ferme : mais nos gens sans marchander davantage les allérent charger. La meslée ne dura gueres, car les Grecs d’abord et au premier choc tournérent le dos, se rompans d’eux-mesmes, et les nostres leur donnérent la chasse une bonne lieuë. Ils gagnérent en cette rencontre nombre de chevaux, roucins, palefrois et mulets, ensemble les tentes et pavillons, et generalement ce qui est de l’attirail des trouppes. Et ainsi retournérent au camp, où ils furent bien accueillis, et partagérent le butin comme ils devoient.

72. Le jour ensuivant, l’empereur Alexis envoya un ambassadeur aux comtes et barons de l’armée avec lettres de creance : cét ambassadeur s’appelloit Nicolas Roux, et estoit natif de Lombardie. Il les trouva assemblez au conseil dans le palais de Scutari, et les salüa de la part de l’Empereur son maistre, puis presenta ses lettres au marquis Boniface de Montferrat