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[1203] de la conqueste

qu’on devoit à ceux de l’armée, et on remboursa un châcun de ce qu’il avoit avancé pour son embarquement à Venise, le nouveau Empereur visitant souvent les princes et barons au camp, ausquels il rendit autant d’honneur qu’il pût : à quoy veritablement il estoit obligé, veu les grands services qu’ils luy avoient rendus. Or un jour il vint vers eux privément au logis du comte de Flandres, où le duc de Venise et les principaux de l’armée furent mandez, et là leur tint ce discours : « Seigneurs, je puis dire qu’aprés Dieu je vous ay l’obligation entiére d’estre empereur, et que vous m’avez rendu le plus signalé service qui fut jamais fait à aucun prince chrestien. Mais il faut que vous sçachiez que plusieurs me font bon visage, qui dans leur interieur ne m’ayment point, les Grecs ayans un grand dépit de ce que je suis rétabli dans mes biens par vostre moyen : au reste, le terme approche que vous vous en devez retourner, et l’association d’entre vous et les Venitiens ne dure que jusques à la Saint Michel : et comme le terme est court, il me seroit du tout impossible d’accomplir les traitez que j’ay faits avec vous. D’ailleurs si vous m’abandonnez, je suis en danger de perdre et ma terre et la vie ; car les Grecs ont conceu une haine contre moy à cause de vous. Mais si vous le trouvez bon, faisons une chose que je vous vay dire : si vous voulez demeurer jusqu’au mois de mars, je ferois en sorte de prolonger vostre association jusqu’à la Saint Michel qui vient en un an, et payerois le deffray aux Venitiens ; et cependant je vous ferois fournir ce qui vous seroit necessaire jusques aux Pasques suivantes, esperant dans ce