Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 1.djvu/302

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
284
[1204] de la conqueste

qui jurérent sur les saints évangiles de bien et fidelement eslire celuy qu’en leurs consciences ils jugeroient le plus capable à tenir l’Empire et estre le plus utile au bien commun des affaires. Aprés quoy fut assigné un autre jour pour proceder à l’eslection : lequel escheu, ils s’assemblérent à l’hostel du duc de Venise, qui estoit l’un des beaux palais du monde.

137. Là se trouva une grande multitude de gens, et non sans raison, châcun estant attiré par la curiosité, et porté du desir de sçavoir qui seroit esleu. Les douze qui devoient faire l’élection y furent mandez, et mis en une fort riche chappelle qui estoit dans le palais, où ils tinrent conseil tant qu’ils furent tous tombez dans un mesme sentiment : et chargérent Nevelon evesque de Soissons, qui estoit l’un des douze, de porter la parole pour les autres ; puis sortirent et vinrent dehors où estoient tous les barons et le duc de Venise. Vous pouvez assez presumer qu’ils furent regardez de plusieurs, ausquels il tardoit de sçavoir qui auroit esté esleu. Lors l’evesque leur dit : « Seigneurs, nous sommes, Dieu mercy, tombez d’accord de faire un empereur ; vous avez tous juré et promis de tenir et reconnoistre celui qui sera par nous esleu, et que si aucun vouloit y contredire vous luy ayderez de tout vostre pouvoir ; nous vous le nommerons donc à l’heure que Jesus-Christ fut né : c’est Baudoüin comte de Flandres et de Hainault. » À l’instant se leva un grand cry d’allegresse par tout le palais ; et de ce pas les barons l’emportérent droit à l’eglise, mesmes le marquis de Montferrat avant tous les autres, qui lui rendit tous les honneurs