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de l’empire latin.

l’Empereur à un festin, et désira qu’il fût accompagné du légat et des principaux seigneurs de sa suite. Au moment où la confiance et la cordialité semblent régner parmi les convives, des soldats remplissent la salle, et le perfide Théodore fait arrêter l’Empereur, le légat, ainsi que les seigneurs qui les avoient accompagnés. Aussitôt les ordres sont donnés pour attaquer l’armée française, privée de ses chefs et se reposant sur la trève : elle est entièrement défaite : une partie est massacrée, l’autre livrée à l’esclavage ; et quelques fuyards peuvent seuls porter à Constantinople la nouvelle de la captivité de l’Empereur.

L’Impératrice, dont la grossesse étoit avancée, fut profondément frappée de ce coup terrible : sa santé s’altéra, et elle sentit le néant de cette grandeur dont son cœur avoit été si long-temps enivré. Cependant les seigneurs, qui partageoient ses craintes, se souvinrent du sort affreux de Baudouin, et lui déférèrent la régence : elle accorda toute sa confiance à Conon de Béthune.

Le bruit de cet attentat se répandit bientôt en Europe. Les imprudences de l’Empereur, pendant son séjour en Italie, avoient presque détruit l’intérêt que le Pape avoit d’abord pris à lui : Honorius ne parut s’inquiéter que du sort du cardinal Colonne son légat, laissant au roi de Hongrie, gendre de Courtenay, le soin de le réclamer. Les instances du Pape furent long-temps inutiles : Théodore lui donnoit de fausses espérances, et savoit éluder toutes ses demandes. Enfin Honorius, irrité de tant d’audace et de perfidie, publia une croisade contre lui, persuadé que presque tous les princes de l’Europe s’empresseroient