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de l’empire latin.

autres arrivèrent à Constantinople au milieu de mille dangers, et ne servirent qu’à y porter le découragement.

Cette ville étoit dévorée par tous les fléaux. La famine exerçoit ses ravages, les grandes fortunes se trouvoient épuisées, et la misère étoit à son comble. On étoit réduit à enlever le plomb qui couvroit les églises pour en faire de la monnoie ; les reliques étoient arrachées des autels et vendues à vil prix. Ce peuple auroit péri si Ville-Hardouin, avec vingt-deux vaisseaux, n’eût forcé l’entrée du port bloqué par la flotte de Vatace, et n’eût fait entrer quelques secours. Dans cette cruelle extrémité, le régent crut devoir engager pour une grosse somme, aux Vénitiens, la couronne d’épines, que les habitans de Constantinople regardoient comme leur trésor le plus précieux. Baudouin, l’ayant appris, céda cette relique à saint Louis, dans l’espoir d’intéresser sa piété à la cause de l’Empire latin. Le Roi reçut ce don avec empressement. Il fut convenu que la sainte relique seroit transportée à Venise, d’où elle seroit envoyée en France, après le remboursement de la somme prêtée par les Vénitiens. Deux frères prêcheurs, dont l’un avoit été prieur d’un couvent de Constantinople et avoit souvent vu la couronne d’épines, furent députés par saint Louis, et partirent accompagnés d’un gentilhomme de la suite de Baudouin. Après avoir constaté l’identité de la relique, ils s’acquittèrent de leur mission. Les Grecs, réunis aux Français sur le rivage, fondoient en larmes en voyant partir le vaisseau qui emportoit un trésor pour lequel les deux peuples avoient une égale vénération.