Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 33.djvu/149

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Il y eut aussi plusieurs propos familiers, qui furent tenus entre le cardinal de Lorraine et Théodore de Beze, que l’on a depuis imprimez, et toutefois deguisez et supposez en telle sorte, que ledict cardinal se trouveroit luthérien ; car il est dit qu’il n’approuve point la Transsubstanciation : à quoy il ne pensa jamais, comme il a bien fait cognoistre en plusieurs sermons qu’il a faits, et mesmement en la harangue qu’il fit en pleine assemblée audict Poissy, où le Roy estoit présent, laquelle depuis fut imprimée.

Enfin Théodore de Beze, assisté de douze ministres, fut ouy en pleine assemblée[1] du conseil privé, et de

  1. Fut ouy en pleine assemblée. Charles IX, âgé de onze ans, ouvrit le colloque de Poissy par le discours suivant : « Messieurs, vous estes assez advertis des troubles qui sont en ce royaume sur le faict de la religion. C’est pourquoy je vous ay fait assembler en ce lieu, à réformer les choses que vous verrez y estre à réformer, sans passion quelconque, ni regard aucun de particulier interest, mais seulement de l’honneur de Dieu, de l’accord de nos consciences et du repos public. Ce que je désire tant, que j’ai délibéré que vous ne bougiez de ce lieu jusques à ce que vous y ayez donne si bon ordre, que mes subjects puissent désormais vivre en paix et union les uns avec les autres, comme j’espère que vous ferez. Et, ce faisant, me donnerez occasion de vous avoir en la mesme protection qu’ont eue les roys mes prédécessemrs. » Le chancelier de L’Hospital parla ensuite, et l’on remarque dans son discours de grandes concessions aux nouvelles doctrines. Après avoir dit que le colloque est un véritable concile national, et qu’il est plus en état de guérir les plaies de l’église de France qu’un concile général, il ajoute : « Le premier et principal moyen est d’y procéder par humilité, et, tout ainsy que vous estes assemblés de corps, y estre unis d esprit ; ce qui adviendra si chascun de vous ne s’estime point par dessus l’autre, et que les plus scavans ne méprisent leurs inférieurs, ni les moins doctes portent envie aux autres, si l’on laisse toute subtilité et curieuses disputes, à exemple du bon homme, cognoissant Dieu tant seulement, et son fils crucifié : il n’est besoin aussy de plusieurs livres, ains de bien entendre la parole de Dieu, et se conformer à icelle le plus qu’on pourra. Outre