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ANCIENS MÉMOIRES

aigrir, ny jetter dans le desespoir, trouverent bon de deferer à leur demande, en leur donnant cette surséance. Il arriva durant cette treve qu’Olivier de Guesclin, frere de Bertrand, croyant qu’il pouvoit en toute sûreté sortir de la ville, sans craindre aucun danger du côté des ennemis, et se divertir à la campagne sous la bonne foy de ce dernier traité, rencontra par hasard[1]le chevalier Thomas de Cantorbie, frère de l’archevêque de cette ville, qui luy fit toutes les hostilitez et les avanies imaginables, l’arrêtant tout court, et luy demandant imperieusement son nom, le menaçant que s’il le luy taisoit il luy en coûteroit aussitôt la vie.

Ce jeune cavalier luy dit nettement qu’il s’appelloit Olivier de Guesclin, frère du fameux Bertrand, dont la réputation luy devoit être assez connue par les grandes actions dont il se signaloit tous les jours. Cette réponse ne fit qu’échaufer la bile de Thomas, dont la

  1. Mais ledit Olivier fu rencontré sur les champs d’un chevalier engloiz, que on appelloit Thomas de Cantorbie, lequel estoit frère de l’archevesque. Lequel chevalier estoit moult orgueilleux, et moult desmesuré. Et s’en vint à Olivier moult fierement, et le prist par le giron ; et puis lui demanda moult orgueilieusement, qui il estoit, qui ainsi aloit. Et Olivier lui dist, que on l’appelloit Olivier Du Guesclin, quant savoir le vouloit, et frère de Bertran : mais il estoit le mainsné. Lors dist le faulx Engloiz : « par Saint Thomas vous ne m’eschapperez, vous estes mon prisonnier, vous en vendrez avecques moy. Et se vous ne vous rendez, tantost je vous tondray la leste, et morrez tout maintenant en despit de Bertran… Le Deable out tant fait, qu’il est monté si haut… Sire, dist Olivier, vous avez grant tort, c’est un povre chevalier, et povrelent herité. Et se il s’est avancié pour avoir richesse, et estre honnourrez, vous ne l’en devez blasmer. » Dont dit l’Engloiz, que ja respit n’y auroit. Et vint à l’espée traite. (Ménard, p. 48.)