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ANCIENS MÉMOIRES

Bertrand voyant du pied de la muraille, le peu d’exécution que faisoient les assiègeans, sonda si l’on ne pouroit point entamer les murs du château pour y ouvrir une brèche ; mais s’appercevant que la tentative en seroit inutile, et que ce baron de Mareüil se rendoit extrêmement redoutable aux François par la défense opiniâtrée qu’il faisoit, jura dans son patois, que par Dieu qui peina en croix, et au tiers jour ressuscita il iroit aux créneaux parler à sa baratte.

Il se saisit donc d’une échelle qu’il mit sur sa tête, et l’appuyant à la muraille, il se mit en devoir de monter l’épée à la main, se couvrant toujours de son bouclier. Le Dauphin, qui s’apperçut de cette intrepide action, demanda le nom de ce cavalier ; on luy dit que c’étoit le brave Bertrand, qui s’étoit aquis en Bretagne une grande reputation par les beaux faits d’armes qu’il avoit faits en faveur de Charles de Blois, contre Jean de Monfort. Ce prince, admirant la resolution de cet homme, témoigna qu’il n’en perdroit jamais le souvenir. La présence du Duc animant encore Guesclin davantage, le fit monter jusqu’aux derniers échelons, bravant le baron de Mareüil et le menaçant qu’il alloit luy faire sentir la force de son bras et l’injustice de la cause qu’il soûtenoit contre le dauphin de France. Mais le Baron, qui le vouloit faire taire[1]

  1. Mais le bascon n’acoutoit riens à son dit ; mais demanda une pierre à ses gens toute la plus pesante que l’en pourroit trouver. El ilz lui dirent : « vous avez devant vous ce que vous demandez, et grans bans traverssains, et queuës plaines des caillons. Vous ne povez faillir, boutez à tous costez sur ce villain, qui ainsi monte. Mais comme il est gros et quarré, et court et tout enflé pour ses armeures, qui le tumberoit ou fossé, il aroit tantost le cuer crevé. Et sembloit estre un porteur d’affeutrures, qui soit nez de Paris. Car il estoit tout