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SUR DU GUESCLIN.

Charles décampa de là pour aller à Lonvaulx l’Abbaye. Tout ce mouvement ne se put pas faire sans que le comte de Monfort en eût bientôt avis par un espion qui se détacha de l’armée de Charles, et qui luy fit un récit exact de tout ce qui se passoit à Lonvaulx l’Abbaye, luy representant qu’il auroit bientôt sur les bras toute l’élite de la France. Cette nouvelle alarma le comte et luy fit dire qu’il seroit à souhaiter que Charles, son concurrent à la Bretagne, voulût partager avec luy le duché, plûtôt que de répandre le sang de tant de braves qui ne meritoient pas de mourir pour leur querelle particulière ; que s’il vouloit entendre à ce temperament, il pouroit espérer d’avoir un jour toute la Bretagne, en cas qu’il mourût sans enfans, si bien que par là toute la souveraineté reviendroit à Charles et à ses descendans. Jean de Chandos releva ce discours, luy disant qu’il ne croyoit pas que Charles fût fort éloigné d’entrer dans ce party, s’il trouvoit à propos de le luy proposer, et qu’en cas qu’il n’y voulût pas entendre, il luy resteroit toujours par devers luy la gloire d’avoir fait cette avance, qui tendoit à ménager le sang de tant de noblesse, et qui justifieroit dans le public toute la conduite qu’il seroit obligé de tenir dans la suite contre le même Charles.

Le comte fut ravy de voir que Chandos approuvoit fort son sentiment, et dépêcha sur l’heure, auprès de Charles, une personne affidée pour le pressentir s’il voudroit bien convenir avec luy d’un lieu dans lequel on pouroit s’aboucher pour pacifier toutes choses. Charles de Blois reçut assez bien cet envoyé, luy disant qu’il assembleroit son conseil pour deliberer là dessus, et qu’il restât là pour en attendre la réponse.