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ANCIENS MÉMOIRES

Tous les avis furent contraires à la proposition de cet accommodement. On luy representa que le comte, sçachant le peu de droit qu’il avoit à la souveraineté de Bretagne, et voyant bien qu’il ne pouvoit pas éviter d’être battu, vouloit au moins partager avec luy le duché, prévoyant bien qu’il l’alloit perdre tout entier. Le duc Charles repondit que tout ce qui luy faisoit plus de peine dans cette affaire, c’étoit le danger auquel il alloit exposer tant de personnes de qualité pour ses interests particuliers, et qu’il aimoit mieux perdre la moitié de ses seigneuries que de voir perdre la vie à tant de gens qui se vouloient sacrifier pour luy ; mais Bertrand et les autres luy remirent l’esprit là dessus, en luy répondant que sa cause étant la plus juste. Dieu se declareroit en faveur de ceux qui combattroient pour la faire valoir, et conserveroit la vie de ceux qui s’exposeroient en sa faveur ; qu’il falloit donc faire dire au comte que, si dans quatre jours, il ne levoit le piquet de devant Aüray, qu’il devoit s’attendre à une bataille.

Cette resolution prise, on fit venir le héraut, à qui Charles de Blois demanda quel avoit été le projet d’accommodement que Jean de Monfort avoit eu dans l’esprit. Il l’assûra que son maître avoit eu la pensée de partager la Bretagne entre eux, moitié par moitié. Charles n’auroit pas improuvé ce traité ; mais l’ambition de sa femme, qui vouloit tout ou rien, gâta tout. Cette princesse avoit gagné toutes les voix du conseil de son mary pour les faire tourner toutes du côté de la guerre, et tout le monde, par une complaisance qu’on a naturellement pour ce sexe, n’osa pas opiner autrement ; si bien qu’elle fut la cause de la ruine de