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ANCIENS MÉMOIRES

son infidelité dans la religion chrétienne, et par l’inhumanité qu’il avoit commise à l’égard de sa propre femme qui sortoit du sang de saint Louis, et qui passoit pour la plus douce et la plus pieuse princesse de toute l’Europe.

Henry, ravy de voir que Bertrand avoit de si bonnes intentions pour luy, le conjura de se venir rafraîchir et délasser avec les principaux officiers de l’armée dans son château, où il les regala fort magnifiquement, et les confirma par ses caresses et par ses présens, dans la resolution qu’ils avoient prise d’épouser sa querelle. Toute cette confederation fut bientôt découverte. Un espion partit toute nuit pour en aller donner avis à Pierre, auquel il fit le recit de tout ce qu’il avoit veu, circonstanciant les choses avec tant d’evidence et de clarté, qu’il n’y avoit rien de plus vraysemblable, luy marquant qu’il étoit sorty de France une fourmiliere de troupes qui venoient fondre sur ses États. Pierre tout consterné, luy demanda le nom de celuy qui les commandoit, et quand il sçut qu’il s’appelloit Bertrand, il se mit à grincer des dents, à roüiller les yeux dans la tête, et déchira de rage et de colere les habits qu’il portoit.

Un juif qui pour lors avoit beaucoup d’entrée dans son conseil, et qui fut un des témoins de cet emportement, prit la liberté de luy demander le sujet de son inquietude et de son desespoir. Pierre ayant un peu repris ses esprits, luy répondit que l’heure fatale étoit arrivée, dans laquelle on luy avoit prédit qu’on luy devoit arracher des mains le sceptre d’Espagne, puisque Bertrand, designé par l’aigle qui luy devoit ravir la couronne, étoit entré dans ses États pour en faire