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ANCIENS MÉMOIRES

tremblans de peur luy crierent misericorde : il leur demanda s’ils étoient juifs ou sarrazins ; Turquant luy repondit qu’ils étoient juifs à la vérité, mais que s’il avoit la bonté de ne les point faire mourir, ils luy promettoient de luy livrer dans le lendemain la ville de Seville. Le chevalier les assûra que non seulement ils auroient la vie sauve, mais qu’ils seroient recompensez à proportion d’un service si essentiel, s’ils étoient assez heureux et adroits pour faire ce coup. Turquant reprit la parole en luy revelant les moyens dont il se serviroit pour en venir à bout. Il luy fit entendre que les juifs ayant dans Seville un quartier separé, qu’ils ouvroient et fermoient quand il leur plaisoit, il luy seroit aisé d’entrer dans le lieu qu’ils occupoient et d’en gagner les principaux avec lesquels il avoit de secrettes intelligences ; qu’il tourneroit si bien leurs esprits qu’il les feroit condescendre à ce qu’il voudroit, pourveu qu’on leur promît qu’en facilitant aux troupes d’Henry la prise de la ville, on ne toucheroit point à leurs biens, encore moins à leurs vies.

Mathieu de Gournay goûta fort cet expedient et voulut que l’un des deux en fût la caution. Daniot s’offrit de demeurer auprés de luy comme garant du succés de cette entreprise. Mathieu mena l’autre au prince Henry, pour l’informer des mesures qu’il avoit meditées pour l’execution d’un si grand dessein ; les moyens qi’on luy proposa luy parurent faciles : il ne s’agissoit plus que d’en faire la tentative. Turquant se mit en devoir de sonder là dessus les juifs ; il se coula par une poterne, et se glissant au pied des murailles de la citadelle qu’ils occupoient, il cria d’en-bas, à