Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/390

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
385
SUR DU GUESCLIN.

glois. La Barre répondit qu’il luy prêteroit le colet volontiers, et qu’il esperoit sortir avec succés de cette affaire. On le fit armer pour cet effet ; on luy donna l’un des meilleurs chevaux de l’écurie du Roy, afin qu’il ne luy manquât rien pour agir avec avantage et triompher de son antagoniste. Il se présenta sur les rangs dans cet équipage. Il vit l’Anglois qui paroissoit tout fier de ce qu’il venoit d’abbattre douze chevaliers ; mais sa contenance ne l’intimida point, et luy donna même une plus grande demangeaison de le vaincre.

Tout le monde étoit dans l’attente et dans l’impatience de les voir aux mains. Cette curiosité fut bientôt satisfaite. La Barre fit son manege avec tant d’habileté, mania sa lance avec tant de force et poussa son cheval avec tant de roideur, qu’il fît tomber l’Anglois par terre et mordre le sable à son cheval. La chute de Mathieu fut si lourde, qu’il en eut le bras cassé, demeurant tout étourdy du coup qu’il avoit reçu, jusques là qu’il resta longtemps dans cette posture sans pouvoir remüer ny jambes, ny bras et sans pouvoir parler. Le roy de Portugal ne fut pas fâché que l’on crût qu’un écuyer portugais avoit humilié la fierté de l’Anglois, et qu’il y en avoit dans sa nation d’aussi braves, et d’aussi adroits dans cet exercice que dans l’Angleterre. Il commanda qu’on relevât Mathieu de Gournay pour le faire panser de sa blessure. On luy banda le bras, et ce prince le voyant estropié de la sorte, luy demanda quel sentiment il avoit des chevaliers de sa nation. Mathieu luy répondit qu’il avoit été bien puny de sa vanité ; que celuy qui l’avoit traité de la sorte n’étoit pas un