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ANCIENS MÉMOIRES

Guesclin voulut sçavoir le lieu d’où il venoit. Il luy répondit que c’étoit de la ville deTarascon, devant laquelle le duc d’Anjou avoit mis le siege pour la prendre sur la reine de Naples, avec laquelle il étoit en guerre. Quoy que Bertrand ne pût pas manier aucunes armes jusqu’à ce qu’il eût entièrement payé sa rançon, selon la parole qu’il en avoit donnée, cependant il ne laissa pas de se mettre en tête d’aller trouver le Duc et de l’assister au moins de ses conseils, s’il ne pouvoit pas luy prêter la force de son bras. Il fit tant de diligence, qu’il se vit bientôt auprés de Tarascon. Le Duc fut fort agréablement surpris de le voir, s’informant de luy en quelle assiette étoient ses affaires. Bertrand, qui ne s’alarmoit jamais de rien, luy répondit qu’à sa rançon prés tout iroit fort bien. Ce Prince, qui l’honoroit et l’estimoit beaucoup, l’assura que s’il ne s’agissoit que de trente mille livres pour la payer, il la luy donneroit volontiers. Guesclin luy sçut bon gré de son honnêteté, luy témoignant qu’il n’oseroit pas refuser une grâce qu’il luy offroit avec une sincerité si genereuse ; après quoy le Duc l’entretint du sujet de la guerre qu’il avoit avec la reine de Naples, qui prétendoit injustement avoir quelques droits sur la ville d’Arles et sur plusieurs autres citadelles et forteresses, qui luy devoient appartenir bien plus legitimement qu’à elle. Bertrand, qui naturellement avoit de l’inclination pour ce Prince, luy promit qu’il ne sortiroit point d’auprés de sa personne qu’il ne l’eût rendu maître de Tarascon. Le Duc, sensiblement touché de l’avance obligeante qu’il luy faisoit, le pria de ne se mettre aucunement en peine de sa rançon, puis qu’il en faisoit son affaire. Tandis qu’ils s’entretenoient