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ANCIENS MÉMOIRES

rable pour cet effet, que tout recemment ; qu’il les avoit quitez pour se ranger du côté de ceux de sa nation, et reveler à Bertrand une nouvelle de la derniere consequence. Celuy-cy le prenant toûjours pour un transfuge et pour un espion, le menaça de le faire à l’instant brancher au premier arbre, s’il venoit à découvrir en luy la moindre supercherie. Ce Breton l’assura qu’il luy parloit fort sincerement et de bonne foy, ne s’étant separé des Anglois que pour luy donner avis du danger qui le menaçoit, et luy dire que les ennemis étoient fort prés de luy, tous vêtus de toile sur leurs armes, et qu’ils portoient des croix rouges devant et derrière pour intimider les François par un spectacle si bizarre et si surprenant, et qu’ils avoient dessein de les surprendre de nuit ou de jour. Bertrand à qui cet homme étoit encore suspect, luy témoigna que s’il étoit surpris en mensonge il luy en coûteroit la vie. Cependant il se trouva que le Breton n’imposoit aucunement à la vérité ; car les Anglois n’étoient qu’à un quart de lieüe de là cachez dans un bois, et qui n’attendoient que la nuit pour venir à coup sur tomber sur le camp des François.

Le coup étoit immanquable s’ils eussent suivy leur premier dessein ; mais la sotte vanité de Jean d’Evreux le fit avorter, qui voulant faire l’intrepide et le courageux, pretendoit comme un autre Alexandre ne pas dérober la victoire à la faveur des tenebres, mais la remporter en plein jour, comme si les Anglois n’avoient pas assez de cœur et de bravoure pour défaire les François en combattant contre eux dans les formes. Il leur representa que la gloire de