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SUR DU GUESCLIN.

adorateurs ; qu’il luy donnoit pour femme sa fille Mondaine, dont la beauté ne se pouvoit regarder sans qu’on se récriât, et que de plus il les feroit tous deux mener en Espagne, escortez d’une armée de trente mille sarrazins, touttes troupes choisies et des meilleures de tout son royaume. Pierre se croyant au dessus de ses affaires et de ses ennemis, leva la main pour faire l’execrable abjuration de sa premiere foy, protestant qu’il y renonçoit de toutte l’étenduë de son cœur et sans aucun déguisement, et qu’il embrassoit la religion de Mahomet, comme celle dans laquelle il vouloit à l’avenir vivre et mourir. Le roy de Belmarin, tout à fait content de la déclaration sincere qu’il venoit de luy faire, l’assura que son fils conduiroit le secours, et que c’étoit le cavalier le mieux tourné de tout son royaume, quoy qu’il n’eût encore que vingt ans. Il fit ensuite equiper une fort belle flote dans laquelle il fit entrer de fort bonnes troupes avec touttes les munitions nécessaires de guerre et de bouche.

Cet appareil se fit avec tant de bruit et de fracas, qu’il sembloit que tout cet armement se faisoit pour la conquête de l’Europe. Il arriva par hasard que deux pèlerins, chrétiens et gascons, qui revenoient de la Terre Sainte, où ils avoient accomply le vœu qu’ils avoient fait de se transporter auprés du saint Sepulchre, pour y donner au fils de Dieu des preuves de leur zele et de leur pieté, vinrent coucher dans la ville de Belmarin. L’un des deux s’appelloit Pierre Floron, et l’autre La Reolle. Ils furent surpris de voir tous les apprêts que l’on faisoit avec tant de tumulte et d’empressement, et demandèrent par curiosité ce que tout cela vouloit dire. On leur en apprit le sujet.