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SUR DU GUESCLIN.

infaillible de cette glorieuse bataille. Les Sarrazins, qui s’en étoient échappez au nombre de treize mille, et qui s’étoient rembarquez, allèrent porter à Seville la nouvelle de leur défaite. Ils y trouverent le roy Pierre qui ramassoit beaucoup de troupes du païs de Grenade, qui, jointes à leur debris, pouvoient bien monter à cinquante mille hommes, tant juifs, sarrazins, que chrétiens natifs de Séville. Le jeune prince de Belmarin se voyant à la tête d’une si belle armée, croyoit que touttes les forces de l’Europe ne seroient point capables de luy résister ; et comme elle étoit composée de trois nations différentes, de juifs, de sarrazins et de chrétiens, il dit au roy Pierre qu’il ne vouloit commander que les Payens[1] tout seuls, qui ne s’accorderoient jamais avec ceux d’une autre secte que la leur ; et qu’il luy conseilloit de conduire les juifs et les chrétiens, dont il connoissoit mieux les inclinations et le genie que luy, quoy qu’il fût persuadé que touttes ces precautions seroient inutiles, parce que leurs ennemis, voyans fondre tant de gens sur eux, abandonneroient aussitôt le terrain qu’ils occupoient devant Tolede, et ne manqueroient pas de prendre la fuite. Pierre qui connoissoit mieux que luy le caractere d’Henry, de Bertrand et du Besque de Vilaines, l’assura qu’il n’en iroit pas ainsi ; qu’ils avoient à faire à des gens nourris dans les combats, qui ne sçavoient ce que c’étoit que de reculer et qui vendroient bien chèrement leur vie, particulièrement ce Bertrand, qui sembloit n’être né que pour les barailles, dont il

  1. Dans les treizième et quatorzième siècles, on designoit en Europe le Mahométisme sous le nom de payennie, et les mahométans sous celui de payens.