Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 5.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
65
SUR DU GUESCLIN.

et cramponner des échelles contre les murs, afin que ceux qui se mettroient en devoir d’y monter, s’y tinssent plus ferme. Quand touttes choses furent ainsi disposées, Guesclin dit à ses gens, dans son langage du quatorziême siècle : Or avant ma noble mesquie à ces ribaux gars, à Dieu le veut ils mourront tous. Et pour les encourager encore davantage, il leur promit de leur donner tout le butin qu’ils feroient dans cette abbaye, qu’ils pouroient ensuite partager entr’eux. Il ne se contenta pas de les exciter à bien faire, il leur en voulut montrer luy même l’exemple. Il prit une échelle de même que le moindre soldat, et monta dessus avec autant de flegme que s’il mettoit le pied sur les degrez d’un escalier. Galeran voyant cette action si extraordinaire, fit le signe de la croix en disant au maréchal d’Andreghem : Dieu, quel homme est-ce là ! Le Maréchal l’assûra qu’il ne s’en étonnoit aucunement, puis qu’il étoit né pour de semblables entreprises, et que si ce Bertrand étoit roy de Jérusalem, de Naples ou de Hongrie, tous les payens ne seroient point capables de luy resister, et que la France étoit bienheureuse d’avoir trouvé, dans la conjoncture presente, un défenseur de cette bravoure.

Les autres generaux eurent honte de voir Bertrand dans le peril sans le partager avec luy. Jean de Beaumont, les deux Mauny, le Maréchal[1] et Galeran s’exposerent aussi comme luy. Les assiegez jettoient

  1. Mesmes le gentil mareschal s’y exposa, et Galeren aussi, qui crioit : « Perregort, Dieu aye aujourduy ! » Et ceulx de dehors crioient : « Montjoye Saint Denys ! » Mais ceulx de dedens feroient sur eulx, et jetroient roges barreaux de fer, chaux vive…, tonnel emply de pierres. (Ménard, p. 393.)