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ANCIENS MÉMOIRES

que quelque espion ne manqueroit pas d’informer de tout.

Chacun le suivit donc au travers de l’orage et de la nuit, du mieux qu’il luy fut possible. Les uns tomboient dans des fossez, d’autres s’imaginans aller leur droit chemin, marchoient à travers champs, et leurs chevaux heurtoient souvent les uns contre les autres, en se rencontrant. Le maréchal d’Andreghem vit avec peine partir Bertrand Du Guesclin sans le suivre, et, pour exhorter les autres à l’imiter, il témoigna qu’on ne devoit pas abandonner un general que le ciel leur avoit donné pour retablir les fleurs de lys dans leur premier lustre, et qui n’avoit point son semblable dans toutte l’Europe. Ces paroles furent prononcées avec tant de force et de poids, que chacun se mit aussitôt en devoir de partir. Le maréchal commença le premier à faire un mouvement à la tête de cinq cens hommes d’armes. Le comte du Perche, le maréchal de Blainville, Olivier de Clisson qui fut depuis connétable de France, le vicomte de Rohan, Jean de Vienne, le sire de Rolans depuis amiral, les seigneurs de la Hunaudaye, de Rochefort et de Tournemines, se mirent aussi tous en marche pour seconder Bertrand dans la dangereuse expedition qu’il alloit entreprendre. Mais comme la grande obscurité ne leur permettoit pas de se reconnoitre, ils sortoient de leurs rangs sans s’en appercevoir, et se rencontroient de buissons en buissons, se choquans sans y penser et faisans mille imprecations, et contre la nuit et contre celuy qui leur faisoit faire ce desagreable manège. Il y eut beaucoup de chevaux crevez dans cet embarras, et Bertrand en