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que de lui faire peur d’un mal qu’elle ne lui vouloit pas faire.

Il eut diverses alarmes de pareille nature, mais elles furent toutes sans effet.

Comme la jalousie rendoit la Reine industrieuse en inventions propres à ses fins, l’excès de la passion du Roi le rendoit si foible en telle occasion, qu’encore qu’il eût bien témoigné en toutes rencontres être prince d’esprit et de grand cœur, il paroissoit dénué de jugement et de force en celle-là.

En tout autre sujet que celui-ci, le mariage de Leurs Majestés étoit exempt de division ; mais il est vrai que les amours de ce prince, et la jalousie de cette princesse, jointe à la fermeté de son esprit, en causèrent de si grandes et si fréquentes entre eux, que, outre que le duc de Sully m’a dit plusieurs fois qu’il ne les avoit jamais vus huit jours sans querelle, il m’a dit aussi qu’une fois entre autres la colère de la Reine la transporta jusqu’à tel point, étant proche du Roi, que, levant le bras, il eut si grande peur qu’elle passât outre, qu’il le rabattit avec moins de respect qu’il n’eût désiré, et si rudement qu’elle disoit par après qu’il l’avoit frappée ; ce qui n’empêcha pas qu’elle ne se louât de son procédé au lieu de s’en plaindre, reconnoissant que son soin et sa prévoyance n’avoient pas été inutiles.

J’ai aussi appris du comte de Grammont qu’une fois le Roi étant outré des mauvaises humeurs qu’elle avoit sur pareils sujets, après avoir été contraint de la quitter à Paris, et s’en aller à Fontainebleau, il envoya vers elle pour lui dire que, si elle ne vouloit vivre plus doucement avec lui et changer sa conduite, il