Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 21 bis.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

façon aussi brusque que peu civile, que cette affaire étoit si différente de celles dont il avoit le soin, qu’il ne pouvoit lui donner aucun avis ; mais qu’ayant aussitôt changé ce discours après que Conchine, devant qui il ne vouloit point parler, se fut retiré, il lui dit qu’il étoit trop son serviteur pour ne l’avertir pas qu’elle prenoit la plus mauvaise résolution qui se pût prendre en telles matières, et qu’elle alloit donner au Roi le plus grand et le plus juste soupçon qu’un mari de sa qualité pût avoir de sa femme, attendu qu’il n’y avoit point d’homme de jugement qui ne sût fort bien qu’on ne parloit point d’amour à une personne de sa condition, sans avoir premièrement reconnu qu’elle l’auroit agréable, et sans qu’elle fît la moitié du chemin, et que le Roi pourroit penser que les motifs qui l’auroient portée à faire cette découverte, seroient ou la crainte qu’elle auroit qu’elle ne fût connue par autre voie, ou le dégoût qu’elle auroit pris de ceux qu’elle vouloit accuser, par la rencontre de quelques autres plus agréables à ses yeux, ou enfin la persuasion d’autres assez puissantes sur son esprit pour la porter à cette résolution.

Ces considérations pressèrent sa raison de telle sorte qu’elle suivit, pour cette fois, les avis du duc de Sully, bien qu’en d’autres occasions elle l’eût souvent trouvé peu capable de conseil, et que, dès le temps de sa jeunesse, elle fût si attachée à ses propres volontés que la grande-duchesse, sa tante, qui avoit le soin de sa conduite, se plaignoit d’ordinaire souvent de la fermeté qu’elle avoit en ses résolutions.

Il arrivoit souvent beaucoup de divisions semblables entre Leurs Majestés ; mais l’orage n’étoit pas