Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 21 bis.djvu/593

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mais qu’en matière si importante il ne falloit pas regarder de si près, vu principalement qu’elle ne seroit pas forcée en sa créance, et auroit la liberté de la religion catholique en son particulier.

Par cette dernière proposition la Reine se trouve si importunée des impertinences de cet homme, que lui étant insupportable elle résolut de le chasser, ce dont je la détournai, non sans peine. Je lui représentai qu’elle savoit bien que je n’aimois pas Russelay, que je connoissois son extravagance, et le préjudice qu’elle pouvoit recevoir de l’avoir auprès d’elle, qu’il n’étoit pas question de savoir s’il l’en falloit ôter, mais seulement des moyens qu’il falloit tenir pour parvenir à cette fin.

Que si elle le chassoit, beaucoup blâmeroient Sa Majesté, et l’accuseroient d’ingratitude, parce qu’au lieu qu’il l’avoit desservie les apparences feroient croire qu’il lui avoit rendu des services fort signalés ; que cet homme étoit en des termes où il ne pouvoit demeurer ; qu’il étoit si immodéré qu’il ne demeureroit jamais auprès d’elle s’il ne croyoit y avoir la principale confiance, et que partant, si la Reine continuoit à lui témoigner qu’elle se méfioit de lui, indubitablement il s’en iroit de lui-même ; auquel cas mon avis étoit qu’il lui falloit faire un pont d’or, lui donnant récompense de ses services prétendus, afin que Sa Majesté eût autant les apparences d’un bon procédé de son côté comme elle en avoit l’effet.

Le duc d’Epernon étoit fort contraire à cet avis, qui disoit souvent à la Reine qu’il ne falloit point nourrir un serpent dans son sein, et qu’il n’y avoit rien tel que de s’en défaire le plus promptement qu’on