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destinée, et dit lui-même qu’il étoit mort. Tous deux avoient de grands desseins de le sauver, et avoient résolu de le faire échapper par finesse, si la protection royale n’en pouvoit venir à bout. Ce n’est pas que le vice-roi d’Irlande se souciât de sa vie : il avoit pu se sauver plus d’une fois, qu’il ne l’avoit pas voulu faire, et toute son ambition étoit de confondre la malice de ses ennemis par les marques véritables de son innocence ; mais ses amis l’auroient peut-être forcé de prendre la voie la plus sûre. Il avoit été brouillé avec la Reine, mais depuis quelque temps il était lié à ses intérêts ; et après ce changement elle l’avoit beaucoup considéré, et lui l’avoit bien servie. La reconnoissance qu’elle en eut, jointe à sa considération propre et à celle du Roi son mari, fit qu’elle n’oublia rien pour le secourir, et pour lui donner la force de se retirer des mains de ses iniques accusateurs ; mais il ne lui en resta que la satisfaction qui se rencontre toujours à faire des actions de bonté et de justice.

Leurs Majestés étant demeurées sans serviteurs, et le vice-roi sans amis auprès de son maître, ces cruels ennemis commencèrent à presser le Roi plus hardiment de leur abandonner ce ministre. Ils lui envoyèrent les évêques en corps, qui lui vinrent dire qu’il étoit obligé en conscience de perdre un seul homme pour sauver tout le royaume, sa personne et ses enfans. Il y résista, puis il douta s’il le devoit faire ; mais enfin il s’y résolut, et trois jours après la trahison de Gorrein, le Roi leur abandonna cet illustre prisonnier. Il avoit envoyé lui-même supplier le Roi de le faire, afin de les contenter : espérant qu’en lui donnant sa