Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cheroit point de la Reine sans reprendre son ancien crédit auprès d’elle. Sa présence auroit fortifié les ennemis du cardinal Mazarin, et les auroit indubitablement mis en état de le chasser du poste où il commençoit d’être. Il sut donc si bien ménager cette affaire auprès de la Reine, qu’un matin, à son lever, le même chancelier venant lui parler de quelque affaire qui regardoit sa charge, elle le confirma dans ce bel établissement qu’il possédoit depuis long-temps. Milord Montaigu fit aussi ce qu’il put pour le servir ; il étoit son ami, et d’une sœur qu’il avoit, qui étoit carmélite[1], que la Reine aimoit : si bien que toutes ces choses ensemble l’empêchèrent de périr. Le chancelier en reçut beaucoup de joie[2] : il aimoit la faveur ; et, s’il l’avoit moins révérée, il auroit été plus digne de la posséder, vu sa science, sa capacité pour les affaires du conseil et ses bonnes intentions. Les amis de Châteauneuf, déchus de leur espérance, ne purent obtenir de la Reine que la fin de son exil ; mais il ne revint point à Paris : il demeura à Montrouge chez lui, où, malgré cette surséance de bonheur que ses amis supportèrent avec impatience, il eut toujours une grande cour de ses parens et de ceux qui prenoient part à sa destinée, dont le nombre n’étoit pas petit. Le marquis de Villeroy[3], le maréchal

  1. Qui étoit carmélite : Jeanne Seguier, supérieure des carmélites de Pontoise.
  2. Le chancelier en reçut beaucoup de joie. Le manuscrit porte : « Car il étoit d’humeur à estimer davantage l’honneur de posséder des dignités, que celui de les mériter par une justice et une vertu sévères ; et il auroit été le premier homme de son siècle, si, avec sa science et sa grande capacité, il eût eu une ame assez élevée pour préférer la gloire à la fortune. »
  3. Le marquis de Villeroy : Nicolas de Neufville, depuis duc de Villeroy ; il fut gouverneur de Louis xiv. — Souvré : Jean, marquis de Souvré. — Seneterre : Henri de Seneterre.