Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/28

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désordre. Il étoit avare ; et l’injuste hardiesse des hommes, à lui qui vouloit gouverner, lui faisant de la peine, il augmenta le dégoût que la Reine lui témoignoit avoir de cet accablement avec tous les soins imaginables. Comme il en avoit une ample matière, ses complaisances ne lui furent pas inutiles ; et la conseillant selon son humeur, il la fit aisément résoudre à se décharger sur lui de tous ces soins. Ce fut un assez précieux dépôt au cardinal Mazarin, pour croire qu’il le reçut volontiers ; et je m’assure, de l’humeur dont nous l’avons connu, qu’il fit ce qu’il put pour lui persuader que c’étoit pour lui plaire qu’il se chargeoit d’un fardeau aussi pesant que celui-là.

La France eût évité bien des maux, si la cour se fût trouvée remplie de gens assez sages pour savoir qu’il est impossible de trouver un homme parfait ; et si, préférant la paix à leur ambition, ils eussent doucement suivi les volontés de la Reine, puisqu’ils étoient destinés à être gouvernés par un ministre. Celui-là qui, étant étranger[1], n’avoit nul attachement ancien au prince ; qui étoit habile, et qui n’étoit point tyran, étoit digne d’être préféré à beaucoup d’autres. Mais, pour notre malheur, la Reine lui abandonna trop absolument son autorité, et cet excès

  1. Celui-là qui, étant étranger. L’auteur, dans le manuscrit, fait ici un portrait satirique de Mazarin. « Il est ennemi des grâces, il fait peu de cas de ses amis et des gens de bien ; la vertu ne touche point son estime ; l’honneur est une qualité honteuse à son égard, et jamais ou rarement il n’a fait du bien qu’à ceux qui ont mal servi le Roi, et qu’il a crus capables de lui nuire en son particulier. N’ayant jamais voulu prendre le chemin d’un juste châtiment, plutôt par foiblesse que par bonté, il a fallu qu’il ait toujours pris celui d’acheter ses ennemis. »