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parce qu’elle avoit été un exemple de vertu, et qu’elle en avoit été fidèlement servie. La Reine lui témoigna fort obligeamment le déplaisir qu’elle avoit de la perdre, et lui a toujours conservé beaucoup de part dans son estime. Quelques jours après, étant à son lever en l’absence de madame de Senecé, et la première femme de chambre lui ayant présenté la chemise pour la donner à la Reine, elle la refusa honnêtement, comme n’étant plus en droit d’avoir cet honneur ; et la Reine, voyant son humilité, la prit des mains de la première femme de chambre, et la présenta elle-même à madame de Brassac, et la convia fort obligeamment à la lui donner. Cette illustre et vertueuse dame en fut touchée, et l’ayant prise, elle la donna à la Reine les larmes aux yeux ; non pas qu’elle regrettât la cour : elle avoit une vertu trop solide pour avoir cette foiblesse ; mais parce qu’en effet la manière dont la Reine l’avoit traitée en cette occasion l’avoit obligée à quelque sentiment de tendresse pour elle.

La marquise de Senecé avoit beaucoup d’esprit, de vertu et de piété, un cœur fort noble, joint à une amitié sincère, et de la chaleur pour les intérêts de ses amis ; mais elle étoit ambitieuse et trop sensible à la grandeur de ses proches : le nom de La Rochefoucauld seulement à prononcer lui donnoit une joie extrême. Son esprit alloit toujours à l’extrémité de toutes choses ; il étoit plein d’emportement et d’impétueuse vanité, de sorte que la modération n’y avoit pas beaucoup de place : et ses défauts se mêlant à ses bonnes qualités, on peut dire qu’elle n’étoit pas toute parfaite. Elle étoit très-bien dans l’esprit de la Reine, qu’elle avoit long-temps servie. Je sais que le car-