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qui connoît la cour ne s’en étonnera pas, vu qu’il est difficile de manquer aux liaisons anciennes, et aux amis à qui on a promis fidélité et service. Elle revenoit alors de Flandre, où elle avoit été bien reçue à cause de la Reine, et de la haine que les étrangers avoient pour le cardinal de Richelieu. Cette princesse, qui avoit laissé la Reine dans de grands sentimens de tendresse pour le roi d’Espagne son frère, crut que, portant les intérêts de cette cour où la Reine avoit pris sa naissance, elle lui seroit mille fois plus agréable ; mais elle se trompa : elle la trouva mère de deux princes, et Régente. Par conséquent, elle n’étoit plus si bonne sœur. Son cœur suivant son devoir, elle n’avoit plus de désirs que pour les prospérités de la France : si bien que l’amour que madame de Chevreuse rapportoit pour le roi d’Espagne n’avoit plus guère de charmes pour Anne d’Autriche, parce que les intérêts du Roi son fils occupoient alors son ame.

Madame de Hautefort étoit aussi revenue, à qui la Reine avoit, comme j’ai déjà dit, écrit de sa propre main qu’elle la prioit de revenir promptement ; qu’elle ne pouvoit goûter de plaisir parfait si elle ne le goûtoit avec elle ; et ces mêmes mots : « Venez, ma chère amie, je meurs d’impatience de vous embrasser. » Elle vint donc, la lettre de la Reine à sa main, c’est-à-dire la montrant à ses amis avec joie. Elle crut que la fortune s’étoit rendue constante en sa faveur, et que jamais elle ne pourroit perdre les bonnes grâces de la Reine, qu’elle avoit acquises par la perte de celles du feu Roi, et par une grande fidélité à son service. Mais, pour son malheur, elle revint dans le même esprit qui n’étoit plus celui de sa maîtresse : et comme