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ne l’eût vue. Il eut donc la bonté de le sauver de la prison ; mais comme il savoit bien que ce gentilhomme avoit offert à la Reine de tuer le cardinal de Richelieu, il ne trouva pas à propos de lui laisser donner par elle la lieutenance de ses gendarmes, qu’elle lui avoit promise. Il crut qu’un homme intrépide et capable de tout entreprendre, étant ami de ses ennemis, ne lui étoit pas propre en cette charge, qui fut donnée à Saint-Mesgrin[1]. Quand Barrière en fit ses plaintes à la Reine, elle tourna la conversation sur les offres qu’il lui avoit faites, et lui dit, en parlant du cardinal de Richelieu : « Vous savez, Barrière, que je vous dis et vous le répétai : Il est prêtre, je n’y puis consentir. » Tous ses amis lui dirent, quand il leur en parla, que, n’ayant pas accepté ses offres, il ne devoit pas s’étonner si elles lui avoient été nuisibles en cette occasion ; et je lui ai depuis ouï dire que cela avoit été pour lui une grande leçon, qui lui avoit appris que Dieu seul méritoit d’être aimé et servi, et qu’on ne devoit jamais le quitter pour des créatures.

Le prisonnier fut mené au bois de Vincennes. On lui donna un valet de chambre pour le servir, et un cuisinier de la bouche. Ses amis se plaignirent de ce qu’on ne lui avoit pas donné quelqu’un de ses domestiques ; mais la Reine, à qui j’en parlai à leur prière, me répondit que ce n’étoit pas l’usage. On envoya ordre à M. et à madame de Vendôme, et à M. de Mercœur, de sortir incessamment de Paris. Le duc de Vendôme s’en excusa d’abord sur ce qu’il étoit malade ; mais, pour le presser d’en partir et lui faire

  1. Saint-Mesgrin : Jacques Stuart, marquis de Saint-Mesgrin. Il rendit ensuite à Mazarin de grands services.