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[1649] MÉMOIRES

cour ; et ne se rassura pas qu’il ne l’eût vu de retour à Saint-Germain, des quartiers où il etoit allé donner ses ordres. En arrivant, il y éclata avec fureur, contre madame de Longueville particulièrement, à qui madame la princesse sa mère, qui étoit aussi à Saint-Germain, en écrivit le lendemain tout le détail. Je lus ces mots qui étoient dans la même lettre : « L’on est ici si déchaîné contre le coadjuteur, qu’il faut que j’en parle comme les autres. Je ne puis toutefois m’empecher de le remercier de ce qu’il a fait pour la pauvre reine d’Angleterre. » Cette circonstance est curieuse pour la rareté du fait. Cinq ou six jours avant que le Roi sortît de Paris, j’allai chez la reine d’Angleterre, que je trouvai dans la chambre de mademoiselle sa fille, qui a été depuis madame d’Orléans. Elle me dit d’abord : « Vous voyez, je viens tenir compagnie à Henriette ; la pauvre enfant n’a pu se lever aujourd’hui, faute de feu. » Le vrai étoit qu’il y avoit six mois que le cardinal n’avoit fait payer la Reine de sa pension ; que les marchands ne lui vouloient plus rien fournir, et qu’il n’y avoit pas un morceau de bois dans la maison. Vous me faites bien la justice d’être persuadée que madame la princesse d’Angleterre ne demeura pas le lendemain au lit, faute d’un fagot : mais vous croyez bien aussi que ce n’étoit pas ce que madame la princesse vouloit dire dans son billet. Je m’en ressouvins au bout de quelques jours, j’exagérai la honte de cet abandonnement ; et le parlement envoya quarante mille livres à la reine d’Angleterre. La postérité aura peine à croire qu’une fille d’Angleterre, petite-fille de Henri-le-Grand, ait manqué d’un fagot pour se lever au mois de janvier, dans