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temps l’ennemi irréconciliable. Ils étoient alors l’un et l’autre à peu près dans la même position : tous deux regrettoient leur patrie ; et si Condé, malgré sa valeur et son génie pour la guerre, n’avoit pu retrouver son ancienne gloire sur les champs de bataille, Retz, malgré son éloquence et son esprit fertile en expédiens, n’étoit point parvenu à ranimer les restes d’un parti découragé. Leur entrevue fut cordiale : le prince promit au cardinal de ne point faire sa paix sans lui en donner avis, et Retz prit le même engagement à l’égard de l’archevêché de Paris. Après cette conférence, il repartit pour la Hollande, où il habita successivement les villes d’Amsterdam, de La Haye et d’Utrecht. Ce dernier séjour lui parut surtout fort agréable, parce qu’il y contracta une liaison avec une jolie fille d’hôtellerie. Ayant fait un petit voyage à Naarden, il manqua d’être enlevé par les agens de Mazarin ; et la crainte de retomber dans le même péril le fit partir pour Roterdam, où il crut trouver plus de sûreté.

Ce fut là qu’il reçut un émissaire des jansénistes, chargé de lui faire les propositions les plus brillantes. Saint-Gilles lui offrit le crédit et la bourse de ses amis, qui étoient nombreux et puissans ; mais à la condition qu’il ne balanceroit plus à éclater, et à fulminer l’interdit sur l’église de Paris. Il lui promettoit, dans ce cas, l’appui de toute la secte. Le cardinal, qui craignoit toujours le procès dont Louis xiv l’avoit menacé, ne voulut prendre aucun engagement. Il flatta Saint-Gilles, fit ses efforts pour ne pas le décourager, et se ménagea ainsi fort habilement une assistance qui pouvoit lui devenir très-utile s’il étoit jamais en position de traiter avec la cour.