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DU CARDINAL DE RETZ. [1650]

l’État c’est la pratique que leurs intérêts particuliers mal entendus y ont introduite, de soutenir toujours le supérieur contre l’inférieur. Cette maxime est de Machiavel, que la plupart des gens qui le lisent n’entendent pas, et que les autres croient avoir été habile, parce qu’il a toujours été méchant. Il s’en faut de beaucoup qu’il ne fût habile, et il s’est très-souvent trompé : mais en nul endroit, à mon opinion, plus qu’en celui-ci. M. le cardinal étoit sur ce point d’autant plus aveugle qu’il avoit une passion effrénée pour l’alliance de M. de Candale[1] qui n’avoit rien de grand que les canons. Et M. de Candale dont le génie étoit au dessous du médiocre, étoit gouverné par l’abbé d’Estrées[2], présentement cardinal, qui a été, dès son enfance, l’esprit du monde le plus visionnaire et le plus inquiet. Tous ces caractères différens faisoient un galimatias inexplicable dans les affaires de la Guienne ; et je ne pense pas que, pour les débrouiller le bon sens des Jeannin et des Villeroy, infusé dans la cervelle du cardinal de Richelieu, eût même été assez bon. Monsieur conçut la suite de cette confusion : il m’en parla un jour en se promenant dans le jardin du Luxembourg, et me pressa d’en parler au cardinal. Je m’en excusai, sur ce qu’il voyoit comme moi qu’il n’y avoit entre nous que les apparences. Je lui conseillai d’essayer de lui faire ouvrir les yeux par le maréchal d’Estrées[3] et par

  1. M. de Candale : Louis-Charles Gaston de Nogaret étoit fils du duc d’Epernon.
  2. César d’Estrées, alors abbé de Long-Pont, de Saint-Germain-des-Prés, etc., ensuite évêque et duc de Laon, cardinal en 1671, et chevalier de l’ordre, etc. ; mort le 18 de décembre 1714, âgé de près de quatre-vingt-sept ans. (A. E.)
  3. Le maréchal d’Estrées :