Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
124
[1650] MÉMOIRES

(c’étoit son mot) à ce qui n’étoit, disoit-il, qu’un pur malentendu. La vérité est que le cardinal ne se pouvoit plaindre de moi, et que je me voulois encore moins plaindre de lui, quoique j’en eusse sujet. On se raccommode plus aisément quand on est disposé à ne se point plaindre que quand on l’est à se plaindre, quoiqu’on n’entait pas de sujet. Je l’éprouvai en cette rencontre. Senneterre dit au premier président qu’un mot que la Reine avoit dit à M. le cardinal à la louange de ma fermeté lui avoit frappé l’esprit d’une telle manière, qu’il n’en reviendroit jamais. Il ne laissa pas de me témoigner toute l’amitié imaginable, avant qu’il partît pour la Guienne. Il affecta même de me laisser le choix d’un prévôt des marchands : ce qui fut honnête en apparence, mais un coup habile en effet car il avoit reconnu que le précédent qui y avoit été mis de sa main lui avoit été inutile. Cependant il n’oublia rien le même jour pour nous brouiller M. de Beaufort et moi, sur un détail qu’il est nécessaire de reprendre plus haut.

Vous avez vu que la Reine avoit désiré que je ne m’ouvrisse point avec M. de Beaufort du dessein qu’elle avoit d’arrêter messieurs les princes. Le jour que ce dessein fut exécuté (ce qui fut sur les six heures du soir), madame de Chevreuse nous envoya querir sur le midi, lui et moi, et nous le découvrit comme un grand secret que la Reine lui eût commandé de nous communiquer à l’issue de la messe. M. de Beaufort le prit pour bon : je le menai dîner chez moi, je l’amusai toute l’après-dînée à jouer aux échecs, je l’empêchai d’aller chez madame de Montbazon ; et M. le prince fut arrêté avant qu’elle en eût le moindre soupçon,