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sûres, pour le moins, que celles qu’il pouvoit espérer par l’autre voie. Je sais bien que le coup eût fait une commotion générale dans les esprits ; et que le parti de messieurs les princes, joint avec les frondeurs, en eût pris d’abord autant de force que de prétexte. Mais je sais bien aussi que Monsieur et messieurs les princes étant arrêtés, le parti contraire à la cour n’ayant plus à la tête que leurs noms, on eût tous les jours affoibli sa considération, parce que chacun eût voulu s’en servir à sa mode, ou se fût bientôt divisé, ou fût devenu populaire ce qui eût été un grand malheur pour l’État mais qui étoit cependant d’une nature à n’être pas prévu par le cardinal Mazarin, et à ne pouvoir par conséquent lui servir de motif pour l’empêcher d’entreprendre sur la liberté de Monsieur. En tout cela je fus seul de mon avis. J’ai su depuis que je n’avois pas tout-à-fait tort ; et M. de Lyonne me dit à Saint-Germain, un ou deux ans avant qu’il mourût que Servien l’avoit proposé au cardinal, deux jours avant son arrivée à Fontainebleau, en présence de la Reine ; que la Reine y avoit consenti de tout son cœur, mais que Mazarin avoit rejeté la proposition comme folle. Ce qu’il y a de vrai est que l’appréhension que j’en eus ne parut fondée à personne, et qu’elle fut même interprétée en un autre sens : on crut qu’elle n’étoit qu’un prétexte de celle que je pourrois avoir apparemment que Monsieur ne se laissât gagner par la Reine. Je connoissois la portée de sa foiblesse et j’étois convaincu qu’elle n’iroit pas jusque là mais ce qui m’étonna fut que bien que Fremont eût essayé de lui faire peur du voyage de la cour, il n’en fut point du tout touché