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DU CARDINAL DE RETZ. [1650]

tention sans la certitude du succès me paroissoit au dessous de moi. Dès qu’on m’y eut engagé, le reste de cette idée m’obligea, pour ainsi dire, à me précipiter, de peur de demeurer trop long-temps en cet état ; et au lieu de laisser agir madame de Chevreuse auprès de Le Tellier, comme nous l’avions concerté, je lui parlai moi-même deux ou trois jours après. Je lui dis en bonne amitié que j’étois bien fâché que l’on m’eût réduit, malgré moi, dans une condition où je ne pouvois plus être que chef de parti ou cardinal ; que c’étoit à M. Mazarin à opter. M. Le Tellier rendit un compte fidèle de ce discours, qui servit de thême à l’opinion du garde des sceaux. Il le devoit assurément laisser prendre à un autre, après l’obligation qu’il m’avoit, et après les engagemens pris avec moi et malgré moi. Mais je confesse aussi qu’il y avoit bien de l’étourderie de l’avoir donné : il est moins imprudent d’agir en maître que de ne pas parler en sujet. Le cardinal ne fut pas beaucoup plus sage dans l’apparat qu’il donna au refus de ma nomination : il crut me faire beaucoup de tort en faisant voir au public que j’avois un intérêt, quoique j’eusse toujours fait profession de n’en point avoir. Il ne distinguoit point les temps ; il ne faisoit pas réflexion qu’il ne s’agissoit plus, comme disoit Caumartin, de la défense de Paris et de la protection des peuples, où tout ce qui paroît particulier est suspect. Il ne me nuisit point par sa scène dans le public, où ma promotion étoit fort dans l’ordre et fort nécessaire ; mais il m’engagea, par cette scène, à ne pouvoir jamais recevoir de tempérament sur cette même promotion.