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[1650] MÉMOIRES

qu’il n’avoit pas dit cela et cela au maréchal de Gramont mais qu’à la vérité il avoit’estimé qu’il seroit bon de lui faire croire qu’il n’étoit pas si fort passionné pour les frondeurs que la Reine se le vouloit persuader. Comme je lui eus fait voir la conséquence de ce faux pas pour lui et pour nous, il m’offrit avec empressement de faire tout ce qui seroit nécessaire pour y remédier. Il écrivit une lettre antidatée de Limours, où il alloit assez souvent, par laquelle il me faisoit des railleries fort plaisantes des négociations que le maréchal de Gramont prétendoit avoir avec lui. Ces railleries étoient si bien circonstanciées, selon les instructions que la palatine m’avoit données, que les négociations du maréchal n’en paroissoient que plus chimériques. Madame la palatine fit voir cette lettre, comme en grande confiance, à Viole, à Arnauld et à Croissy. Je fis semblant d’en être fâché ; je me radoucis, j’entrai dans la raillerie : et de ce jour jusqu’à celui de la liberté de messieurs les princes, le maréchal de Gramont et le premier président furent joués d’une manière qui me faisoit quelquefois pitié.

Nous eûmes encore un petit embarras. Le garde des sceaux, qui s’étoit remis avec nous pour la perte du Mazarin, appréhendoit extrêmement la liberté de M. le prince, quoiqu’il ne s’en expliquât pas ainsi en nous parlant mais comme Laigues ne s’y étoit rendu que parce qu’il n’avoit pas eu la force de me résister, il se servit de lui pour essayer de retarder nos effets par madame de Chevreuse. Je m’en aperçus, et j’abattis cette fumée par le moyen de mademoiselle de Chevreuse, qui fit tant de honte à sa mère de ce