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DU CARDINAL DE RETZ. [1651]

quarante conseillers qui l’accabloient de louanges. Il les prenoit tous à part les uns après les autres, pour s’informer et se bien assurer du succès et à chaque éclaircissement qu’il en tiroit il diminuoit le bon traitement qu’il avoit fait à M. d’Elbœuf, qui depuis la paix de Paris s’étoit livré corps et ame à M. le cardinal, et qui étoit un de ses négociateurs auprès de Monsieur. Quand il se fut tout-à-fait éclairci de l’applaudissement que sa déclaration avoit eu, il m’embrassa cinq ou six fois devant tout le monde ; et Le Tellier lui étant venu demander, de la part de la Reine, s’il avouoit ce que j’avois dit de sa part au parlement : « Oui, lui répondit-il, je l’avoue, et je l’avouerai toujours, de tout ce qu’il fera ou qu’il dira pour moi. » Nous crûmes qu’après une aussi grande déclaration que celle-là, Monsieur ne feroit aucune difficulté de prendre ses précautions pour empêcher que le cardinal n’enlevât le Roi ; et Madame lui proposa de faire garder les portes de la ville, sous prétexte de quelque tumulte populaire. Il ne fut pas en son pouvoir de le lui persuader et il faisoit scrupule, disoit-il, de tenir son roi prisonnier.

Comme ceux du parti de messieurs les princes l’en pressoient, extrêmement, en lui disant que de là dépendoit leur liberté, il leur dit qu’il alloit faire une action qui leveroit la défiance qu’ils témoignoient avoir de lui. Il envoya querir sur-le-champ le garde des sceaux, le maréchal de Villeroy et Le Tellier. Il leur commanda de dire à la Reine qu’il n’iroit jamais au Palais-Royal tant que le cardinal y seroit, et qu’il ne pouvoit plus traiter avec un homme, qui perdoit