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DU CARDINAL DE RETZ. [1651]

ne l’a remis au conseil que parce qu’il plaît à M. le prince. Voilà deux ou trois grains qui altéreroient la composition du monde la plus naturelle. Laissez-le madame ; il y est admirable pour Monsieur, dont l’intérêt n’est pas qu’une confédération dans laquelle il n’entre que par force dure long-temps. » Vous remarquerez, s’il vous plaît, que ce M. de Chavigny dont il est question avoit été favori et même fils, à ce qu’on a cru du cardinal de Richelieu qu’il avoit été fait par lui chancelier de Monsieur ; et que ce chancelier traitoit si familièrement Monsieur, son maître, qu’un jour il lui fit tomber un bouton de son pourpoint, en lui disant « Je veux bien que vous sachiez que M. le cardinal vous fera sauter quand il voudra, comme je fais sauter ce bouton. » Je tiens ce que je vous dis de la bouche même de Monsieur. Vous voyez que Madame n’avoit pas tout-à-fait tort de se ressouvenir de Chavigny. Monsieur eut de la peine à le souffrir dans le conseil il se rendit pourtant à ma raison. Il ne s’opiniâtra que sur le garde des sceaux : on le destitua[1]. On crut à la cour que l’on en étoit quitte à bon marché, et on avoit raison.

Au sortir de chez Monsieur, j’allai prendre congé de messieurs les princes. Ils étoient avec madame de Longueville et madame la palatine à l’hôtel de Condé. Le prince de Conti reçut mon compliment en riant, et en me traitant de bon père ermite. Madame de Longueville ne me parut pas y faire beaucoup de réflexion ;

  1. On le destitua : La Reine, en redemandant les sceaux à Molé lui offrit successivement le chapeau, de cardinal une place de secrétaire d’État pour son fils, une somme de cent mille écus. Il refusa respectueusement et reprit les fonctions de premier président.