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[1651] MÉMOIRES

l’autorité que dans son agrandissement (il eût eu peine à prouver cette thèse) ; mais qu’il aimoit mieux être toute sa vie mendiant de porte en porte, que de consentir que la Reine contribuât elle-même à cette diminution, et particulièrement pour la considération de lui Mazarin. Le maréchal Du Plessis, à ce dernier mot, tira la lettre de sa poche écrite de la main du cardinal, que je connoissois très-bien. Je ne me souviens pas d’avoir vu en ma vie une si belle lettre. Voici ce qui me la fit croire offensive : ce n’est pas de ce qu’elle n’étoit point en chiffres, car elle étoit venue par une voie très-sûre ; elle finissoit ainsi : « Vous savez, madame que le plus capital ennemi que j’aie au monde est le coadjuteur : servez-vous-en, madame, plutôt que de traiter avec M. le prince aux conditions qu’il demande ; faites-le cardinal, donnez-lui ma place, mettez-le dans mon appartement ; il sera peut-être plus à Monsieur qu’à Votre Majesté ; mais Monsieur ne veut point la perte de l’État. Ses intentions dans le fond ne sont point mauvaises. Enfin tout, madame, plutôt que d’accorder à M. le prince ce qu’il demande. S’il l’obtenoit, il n’y auroit plus qu’à le mener à Reims. » Voilà la lettre du cardinal. Il ne me souvient peut-être pas des propres paroles, mais je suis assure que c’en étoit la substance. Je crois que vous ne condamnerez pas le jugement que je fis de cette lettre dans mon ame. Je témoignai au maréchal que je la croyois très-sincère, et qu’il ne se pouvoit pas par conséquent que je ne me sentisse très-obligé. Mais comme dans la vérité je n’en pris que la moitié pour bonne du côté de la cour, je résolus aussi sans balancer d’en user de même du mien, de