Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/301

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
298
[1651] MÉMOIRES

fit cette action avec la meilleure grâce du monde, parce que le cardinal l’avoit trompée la première, en lui mandant qu’il falloit agir de bonne foi avec moi. Bluet, avocat du conseil, et intime d’Ondedei, m’a dit plusieurs fois depuis que celui-ci lui avoit avoué, le soir qu’il arriva de Brulh Paris, que le cardinal ne lui avoit rien recommandé avec plus d’empressement que de faire croire à la Reine même que son intention pour ma promotion étoit très-sincère, parce que, dit-il à Ondedei, madame de Chevreuse la pénétreroit infailliblement, si elle savoit elle-même ce que nous avons dans l’ame. Vous ne serez pas assurément surprise de ce qu’il y avoit dans cette ame, et que c’étoit une résolution bien formée de me jouer, de se servir de moi contre M. le prince, de me traverser sous main à Rome, de traîner ma promotion, et de trouver dans le chapitre des accidens de quoi la révoquer.

La fortune sembla dans les commencemens favoriser ces projets car comme je m’étois enfermé le lendemain au soir chez M. l’abbé de Bernay, pour écrire à Rome avec plus de loisir, et pour dépêcher l’abbé Charier que j’y envoyois pour solliciter ma promotion, j’en reçus une lettre qui m’apprit la mort de Pancirole. Ce contre-temps, qui rompit en un instant les seules mesures qui m’y paroissoient certaines, m’embarrassa beaucoup, avec d’autant plus de raison que je ne pouvois pas ignorer que le commandeur de Valencay[1], qui étoit ambassadeur pour le Roi, et qui avoit pour lui-même de grandes prétentions au cha-

  1. Henri d’Etampes, grand’croix et bailli de Malte, grand prieur de France, alors ambassadeur à Rome ; mort à Malte en 1678, âge de soixante-quinze ans. (A. E.)