Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/308

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
305
DU CARDINAL DE RETZ. [1651]

prince, et qui ne l’étoit pas davantage de la cour, n’aida pas à fixer les résolutions ; parce que la difficulté de s’assurer des uns et des autres brouilloit à midi les vues qu’il avoit prises à dix heures, ou pour la rupture ou pour l’accommodement. M. de Turenne, qui n’étoit pas plus satisfait ni des uns ni des autres que monsieur son frère, n’étoit pas, à beaucoup près, si décisif dans les affaires que dans la guerre. M. de Nemours, amoureux de madame de Châtillon, trouvoit, dans les craintes de s’en éloigner, des obstacles au mouvement que la vivacité de son âge plutôt que celle de son honneur, lui pouvoit donner pour l’action. Chavigny, qui étoit rentré dans le cabinet, son unique élément, et qui y étoit rentré par le moyen de M. le prince, ne pouvoit souffrir qu’il l’abandonnât ; et il pouvoit encore moins souffrir qu’il le tînt en bonne intelligence avec Mazarin, qui étoit l’objet de son horreur. Viole, qui dépendoit de Chavigny, joignoit aux sentimens toujours incertains de son ami sa propre timidité qui étoit très-grande, et son avidité qui n’étoit pas moindre. Croissy, qui avoit l’esprit naturellement violent, étoit suspendu entre l’extrémité à laquelle son inclination le portoit, et la modération, dont les mesures, qu’il avoit toujours gardées très-soigneusement avec M. de Châteauneuf, l’obligeoient de conserver au moins les apparences. Madame de Longueville vouloit en des momens l’accommodement, parce que La Rochefoucauld le désiroit en d’autres, elle vouloit la rupture, parce qu’elle l’éloignoit de monsieur son mari, qu’elle n’avoit jamais aimé, mais qu’elle avoit commencé à craindre depuis quelque temps. Cette constitution des esprits auxquels