Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/339

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tine et moi, à l’aversion qu’il avoit pour les négociateurs. Châteauneuf lui étoit très-suspect ; Chavigny étoit sa bête ; Saint-Romain lui étoit odieux, et par l’attachement qu’il avoit avec Chavigny, et par celui qu’il avoit eu à Munster à M. d’Avaux. Madame la palatine, qui ne savoit pas encore ce que le messager avoit apporté, quoiqu’elle sût qu’il étoit arrivé, trouva à propos que je retournasse chez Monsieur pour lui dire que ce courrier auroit pu peut-être avoir donné à la Reine de nouvelles vues ; et qu’elle jugeoit qu’il ne seroit que mieux, par cette considération, qu’elle n’exécutât pas la commission qu’il lui avoit donnée par moi, avant que l’on pût être informé de ce détail. Monsieur, que j’allai trouver sur-le-champ, : se gendarma contre cette ouverture, qui étoit pourtant très-sage, par une préoccupation qui lui étoit fort ordinaire, aussi bien qu’à beaucoup d’autres. — La plupart des hommes examinent moins les raisons de ce qu’on leur propose contre leur sentiment, que celles qui peuvent obliger celui qui les propose de s’en servir : Ce défaut est très-commun et très-grand. Je connus clairement que Monsieur ne recevoit ce que je lui dis de la part de la palatine que comme un effet de l’entêtement qu’il croyoit que nous avions l’un et l’autre contre M. le prince. J’insistai ; il demeura ferme et je connus encore en cet endroit qu’un homme qui ne se fie pas à soi-même ne se fie jamais véritablement à personne. Il avoit plus de confiance en moi, sans comparaison, qu’en tous ceux qui l’ont jamais approché ; mais sa confiance n’a jamais tenu un quart-d’heure contre sa peur.