Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/391

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qu’elle fit semblant d’en être fâchée. Elle connut en cette occasion, sans en pouvoir douter, que j’agissois sincèrement pour son service ; elle vit clairement que je ne balançois point à tenir ce que je lui avois promis. Ce fut en cet endroit où elle eut la bonté de me parler de la manière qu’il me semble que je vous ai tantôt touchée : elle s’abaissa, mais sans feinte et de bon cœur, jusqu’à me faire des excuses des défiances qu’elle avoit eues de ma conduite, et de l’injustice qu’elle m’avoit faite (ce fut son terme). Elle voulut que je conférasse avec M. de Châteauneuf de la proposition qu’elle lui avoit faite de ne demeurer pas toujours sur la défensive, comme elle avoit fait jusque là, et d’attaquer M. le prince dans le parlement. Je vous rendrai compte de la suite de cette proposition, après que je vous aurai expliqué la raison qui porta la Reine à prendre en moi plus de confiance qu’elle n’y en avoit pris jusque là. Les incertitudes de Monsieur l’avoient si fort effarouchée, qu’elle ne savoit quelquefois à qui s’en prendre ; et les sous-ministres qui entretenoient toujours un grand commerce avec elle, à la réserve de Lyonne qu’elle haïssoit mortellement, n’oublioient rien pour lui mettre dans l’esprit que Monsieur ne faisoit, dans le fond, quoi que ce soit que par mes mouvemens. Elle en remarqua quelques-uns de si irréguliers, et même si opposés à mes maximes, qu’elle ne put me les attribuer ; et je sais qu’elle écrivit un jour à Servien à ce propos : « Je ne suis pas la dupe du coadjuteur ; mais je serois la vôtre, si je croyois ce que vous m’en mandez aujourd’hui. » Bertet m’a dit qu’il étoit présent lorsqu’elle écrivit ce billet ; il ne se ressouvenoit pas