Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/408

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moire jusqu’au tombeau. J’en témoignai publiquement ma reconnoissance à M. le premier président en rentrant dans la grand’chambre, et j’ajoutai que M. de La Rochefoucauld avoit fait tout ce qui étoit en lui pour me faire assassiner. Il me répondit ces propres paroles[1] : « Traître, je me soucie peu de ce que tu deviennes. » Je lui repartis ces propres mots : « Tout beau, La Franchise, mon ami (nous lui avions donné ce quolibet dans notre parti), vous êtes un poltron (je mentois, car il est assurément fort brave), et je suis un prêtre ; le duel nous est défendu. » M. de Brissac, qui étoit immédiatement au dessus de lui, le menaça de coups de bâton : il menaça M. de Brissac de coups d’éperon. Messieurs les présidens, qui crurent avec raison que ces dits et redits étoient un commencement de querelle qui alloit passer au-delà des paroles, se jetèrent entre nous. M. le premier président, qui avoit mandé un peu auparavant les gens du Roi, se joignit à eux pour conjurer pathétiquement M. le prince, par le sang de saint Louis, de ne point souffrir que le temple qu’il avoit donné à la conservation de la paix et à la protection de la justice fût ensanglanté ; et pour m’exhorter, par mon sacré caractère, à ne point contribuer au massacre du peuple que Dieu m’avoit commis. M. le prince agréa que deux de ces messieurs allassent dans la grand’salle faire sortir ses serviteurs par le degré de la Sainte-Chapelle : deux autres firent la même chose à l’égard de mes amis, par le grand esca-

  1. Ces propres paroles : La Rochefoucauld dit dans ses Mémoires qu’il répondit au coadjuteur qu’il falloit que la peur lui eût été la liberté de juger.